Le moratoire européen

Selon le directeur-secteur de Véolia, le moratoire demandé par la Commission Européenne ne concernerait que les installations d’incinération sans valorisation énergétique. C’est une erreur. Cette recommandation émise en janvier dernier concerne bel et bien toutes les formes d’incinération, y compris celle qui nous intéresse localement. Il serait d’ailleurs surprenant de la part de la commission européenne de demander un moratoire sur l’incinération sans valorisation énergétique puisque ce type de projet d’installation est depuis longtemps abandonné en Europe.
Cette recommandation s’appuie sur deux constats :

  • D’une part, l’existence d’un parc d’incinérateurs très (trop) important.
  • D’autre part, le frein que constitue l’incinération dans le développement des premiers échelons de la hiérarchie de traitement des déchets.

La hiérarchie européenne des modes de traitement

L’analyse faite par le directeur de Véolia sur la hiérarchie est partielle sinon partiale.
Rappelons que cette demande de moratoire s’inscrit dans le cadre de la hiérarchie des modes de traitement. Celle-ci place non seulement l’enfouissement, mais aussi l’incinération en bas de la pyramide (l’incinération constituant l’avant dernier échelon). Il s’agit donc d’un traitement à éviter tant que faire ce peut. C’est d’ailleurs pourquoi la Commission Européenne demande une fiscalité plus forte sur l’incinération.
Les traitements à privilégier, ceux qui se situent en haut de cette hiérarchie sont la prévention, la réduction et le recyclage. Or, en investissant 78 millions dans ce mode de traitement, en choisissant de traiter les 2/3 de nos ordures ménagères par l’incinération, le SDEDA choisit bien de privilégier l’incinération au détriment des autres échelons.
La priorité accordée à la prévention, à la réduction et au tri permettrait, selon tous les retours d’expérience dont nous disposons, une baisse des déchets telle qu’un projet d’incinérateur n’aurait plus de raison d’être.

Les vides de four

Selon un rapport publié en 2014 [1], ces vides représentaient près de 150 000 tonnes pour l’actuelle région Grand Est et environ 250 000 tonnes pour l’Île de France pour ne citer que nos voisins les plus proches. L’incinérateur de Reims, pour ne citer que celui-ci, disposait en 2015 d’un vide de four de 20 000 tonnes (un tiers de nos besoins)
La possibilité de mutualisation des installations est recommandée par l’ADEME ce qui prouve son intérêt environnemental et climatique.

La DSP [2]

Sur la DSP, sa durée à 25 ans pose de sérieux problèmes qu’ignore le directeur. D’une part parce que cette durée maximale doit être de 20 ans. Une dérogation est possible mais elle doit être solidement étayée ce qui n’est pas le cas ici. Le justification tient en seulement 4 lignes. Cette durée très longue fait peser un risque lourd sur la collectivité. Cette durée doit en effet être fixée dans l’intérêt général et pour permettre une remise en concurrence dans des conditions satisfaisantes [3]. Or, dans 25 ans, compte tenu de la baisse attendue des déchets, une remise en concurrence sera impossible. Plus aucune entreprise ne voudra prendre en charge un outil qui aura perdu toute sa rentabilité. Cet outil reviendra à la charge de la collectivité. Le délégataire privé aura profité des « meilleurs » années et laissera au public un outil coûteux et inutile.

La commission citoyenne

Le directeur-secteur de Véolia se dit favorable à une telle commission. Ce projet, s’il se fait, n’a pas besoin d’un avis favorable de Véolia car toute installation de traitement de déchets doit être légalement dotée d’une commission de suivi de site (CSS) en application de l’article L. 125-2-1 du code de l’environnement introduit par la loi Grenelle 2. Par ailleurs, la mise en place d’une commission citoyenne aurait du être le préalable à la réflexion sur ce projet ou tout projet de traitement des déchets.
L’ordonnance d’août 2016 oblige d’ailleurs la mise en place de concertation citoyenne en amont de ce type d’installation. Nous dénonçons l’absence de cette concertation préalable.

Les mâchefers

Interrogé sur le client potentiel de ces déchets issus de l’incinération, nous remarquons que Véolia ne répond pas à la question. Il y a une totale zone d’ombre sur la possibilité d’écouler ces mâchefers. Quelle entreprise locale serait aujourd’hui capable d’utiliser 11 700 tonnes/an en rénovation des routes départementales ? La France croule sous les mâchefers dont plus personne ne sait quoi faire (cfle trafic démantelé récemment en Seine-Marne). Le risque est fort que ces mâchefers soient inutilisés, inutilisables et viennent alourdir fortement la facture, sans même ici parler des risques sanitaires liés à leur stockage sur le site.

Par delà ces éléments...

Plus généralement, nous considérons que ce projet, imaginé en 2010, sous-estime très fortement les marges de réduction dont nous disposons. La mise en place d’un vrai programme de réduction et de prévention, la généralisation de la Tarification Incitative, de la collecte des bio-déchets (obligatoire en 2023) permettront une réduction des déchets qui n’a pas été intégrée dans la réflexion.
La construction de cet incinérateur fait peser un double risque :

  • Celui d’interdire toute politique de réduction afin de nourrir l’incinérateur
  • Celui de voir augmenter la fiscalité locale compte tenu de tous les rapports qui invitent aujourd’hui à pénaliser ce mode de traitement.

Le projet troyen est le dernier dans toute la France. Plus aucun département, plus aucune collectivité n’envisage la construction de telles installations. Tous les rapports, tous les avis invitent à s’orienter vers la réduction. Tous indiquent que l’incinération doit être évitée et réduite. Ce projet, le tout dernier qui verrait le jour, symbolise donc le monde d’hier. C’est pourquoi nous pensons nécessaire d’en suspendre sa réalisation afin de remettre sur la table les données nouvelles dont ne disposaient pas les décideurs en 2010.

L’enquête se poursuit. N’hésitez pas à reprendre ces arguments et à les envoyer à cette adresse : Enquête publique

[1Gestion des vides de four des unités de traitement thermique, Amorce, Septembre 2014.

[2Délégation de Service Publique

[3cf. loi Sapin de 1996