L’aspirateur à déchets

Depuis 2015, notre association considère que cet incinérateur va freiner les politiques nécessaires à mettre en place en matière de réduction des déchets. Pour preuve (parmi d’autres qui parsèment cet avis), voici ce qu’écrit la CRC :

« si le SDEDA n’apporte pas suffisamment de déchets, le syndicat perd le bénéfice de tout ou partie du droit d’usage et des éventuels intéressements. » [2]

Traduction : C’est ici, avec le langage feutré de la CRC, l’explication de la notion « d’aspirateur à déchets ».
Pour reformuler les choses, la CRC explique ici qu’en vertu du contrat signé avec Véolia, le SDEDA perd une partie de ses revenus (droits d’usages et intéressements) si les tonnages des OMR livrés à l’incinérateur sont insuffisants. En conséquence, le savant calcul de ces redevances encourage à maintenir des tonnages importants et décourage la réduction des déchets.

Cet élément contractuel est l’exact inverse de ce que la réglementation nationale et européenne sur la hiérarchie de la gestion des déchets oblige à faire.

Cette situation et ces clauses contractuelles mettent évidemment les élus locaux devant des injonctions paradoxales. D’un côté, la loi, le bon sens écologique et l’intérêt économique (le déchets le moins cher à traiter est celui qui n’existe pas) les invitent à réduire les déchets ; de l’autre l’incinérateur (à travers des clauses mal négociées) les contraint à maintenir les déchets.

A suivre dans les jours prochains :

  La bombe à retardement budgétaire

Ce que la CRC écrit :

« La chambre attire l’attention sur le caractère particulièrement inflationniste de la révision de la RPP et recommande de lever l’ambiguïté concernant la formule de décomposition de la redevance figurant à l’article 19.3.2 du contrat de délégation de service public. » [3]

« Les défauts rédactionnels du contrat tels que des références à des articles non déterminés du contrat ou inexistantes, l’ambiguïté sur les redevances dues par le SDEDA, des formules de révision illisibles sans l’appui d’une annexe et la confusion entre charges et recettes liées à la valorisation des matières issues de l’incinération (mâchefers) sont porteurs de risques juridiques et financiers lors de son application. » [4]

Traduction : Les formules de calculs et de révisions des coûts de traitement [5], qualifiées ici « d’inflationnistes » et « d’illisibles » par la CRC assurent à Véolia un confortable chiffre d’affaires garanti (240 millions d’euros cumulés sur les 25 ans d’exploitation) mais constituent pour les collectivités une bombe à retardement budgétaire. C’est l’alarme que nous tirons, en vain, depuis 2015.
Cette situation est telle que la CRC adresse 2 recommandations au SDEDA :

Recommandation n° 1 : Revoir la rédaction des articles 19.3.2 et 19.5.1 du contrat dont la combinaison pourrait conduire au paiement d’un minimum mensuel de la redevance partie proportionnelle et lie le droit d’usage et les intéressements à celle-ci
Recommandation n° 2 : Reprendre par avenant les références manquantes ainsi que les clauses imprécises ou incomplètes de la délégation de service public.

Le « hic » c’est que pour revoir les clauses d’un contrat, il faut que l’autre partenaire soit d’accord. Il n’est pas du tout certain que Véolia-Valaubia accepte de renégocier à son détriment le contrat signé il y a quelques années ; d’autant moins que pour Véolia, l’équilibre économique de cet incinérateur repose, non pas sur les tonnages brûlés (trop incertains pour un petit département) mais sur les clauses avantageuses négociées.

  Le cache-cache des biodéchets

Ce que la CRC écrit :

« Le PCI doit être supérieur à 2 450 kilocalories par kg (kcal/kg), valeur de référence. [...] Les analyses effectuées à la demande du SDEDA par un prestataire extérieur au moment de la signature du contrat ont estimé le PCI moyen à 2 200 kcal/kg. Le PCI de référence a été établi en anticipant le retrait de la collecte des biodéchets. Cependant, cette collecte séparée des biodéchets reste de la compétence des EPCI membres du SDEDA et n’est pas encore mise en œuvre. » [6]

Traduction : Pour fonctionner le mieux possible, l’incinérateur doit brûler des déchets possédant le meilleur pouvoir calorifique (PCI) possible et le plus régulier. La CRC explique ici que l’estimation de ce PCI a été faite en ôtant du calcul les biodéchets [7] qui se trouvent dans nos poubelles grises. De ce fait, le PCI a été surévalué, et calculé sur une hypothèse fausse au départ. Car au moment de la signature de ce contrat, ces biodéchets existaient encore. Ils n’ont, depuis, toujours pas été retirés de nos poubelles grises.

En vérité, les élus étaient face à un dilemme. Aucun industriel ne se serait positionné pour exploiter un incinérateur sans ces biodéchets (le tonnage aurait été insuffisant), ni avec trop de ces biodéchets (le PCI y aurait été jugé trop faible). Il fallait donc, sur le papier, proposer un PCI suffisant (en ôtant du calcul les biodéchets) mais avec un tonnage global supérieur à 60 000 tonnes (sans retirer les biodéchets) !
Ce jeu de cache-cache où l’on fait disparaître les biodéchets d’un côté pour les revoir de l’autre côté, n’est pas sans conséquences.
1er conséquence que pointe la CRC : les pénalités ; En ne respectant pas le PCI moyen promis, le SDEDA risque jusqu’à 266 400 € HT de pénalités au lieu de gagner 308 331 € HT.
2e conséquence : le mauvais fonctionnement de l’incinérateur. Le premier bilan de l’incinérateur a permis de montrer que la présence trop forte des biodéchets occasionne des performances énergétiques moindres (brûler des carottes n’a jamais été très efficace pour faire de la chaleur…) mais aussi des dépassements des seuils réglementaires de pollutions [8].

La solution semble aujourd’hui évidente : il faut d’urgence sortir les biodéchets de nos poubelles, quitte à ce que l’incinérateur fonctionne, en partie, « à vide ». C’est ce que nous avons fait valoir aux élus locaux (lors notamment de la CSS).

A suivre dans les prochains jours :

  Le SDEDA donne le pouvoir à Véolia

Ce que la CRC écrit :

« Les défauts rédactionnels du contrat tels que des références à des articles non déterminés du contrat ou inexistantes, l’ambigüité sur les redevances dues par le SDEDA, des formules de révision illisibles sans l’appui d’une annexe et la confusion entre charges et recettes liées à la valorisation des matières issues de l’incinération (mâchefers) sont porteurs de risques juridiques et financiers lors de son application.
La qualité des déchets à incinérer dépend uniquement du mode de collecte des déchets, qui reste de la compétence des EPCI. Les performances liées à la valorisation énergétique de ces déchets ne peuvent donc être pas maîtrisées par le SDEDA.
La chambre recommande à l’ordonnateur du syndicat de procéder par avenant à l’intégration des références manquantes et à la rectification des clauses imprécises ou incomplètes qui fragilisent la sécurité juridique du contrat. » [9]

Traduction : Nous avons, plus haut, souligné les conséquences financières que fait peser cet incinérateur et que pointe la CRC ici. Nous n’y reviendrons pas.
Deux autres éléments ressortent de cette conclusion :
Le premier, c’est la qualité du contrat négocié avec Véolia : « défauts rédactionnels », « ambiguïté » , « illisibles », « confusion », « clauses imprécises ou incomplètes »… la gamme du lexique employé par la CRC en dit long sur la médiocrité du document qui régit les relations entre le SDEDA et la multinationale. Cette situation traduit, en vérité, l’inégalité des relations entre les deux parties. Pour le dire plus clairement, la petite structure du SDEDA n’a pas fait le poids face au géant Véolia lorsqu’il s’est agit de rédiger cette DSP. Et bien évidemment, toutes les zones d’ombre de ce contrat, explique la CRC, bénéficient à Véolia (au détriment du SDEDA et, in fine, des collectivités locales).

Le second élément (2e paragraphe) est relatif à la répartition des compétences entre le tri et l’élimination des déchets. Pour faire simple, le SDEDA a promis, dans le cadre de ce contrat avec Véolia et pour obtenir la participation de ce géant, d’apporter des déchets d’une qualité précise [10]. Le problème, rappelle ici la CRC, c’est que ce n’est pas le SDEDA qui collecte les déchets mais les collectivités locales. Le SDEDA ne peut donc pas garantir la qualité des déchets qu’il livrera à l’incinérateur. Concrètement, si demain l’agglomération troyenne modifie fondamentalement les modes de collecte et les règles du tri, la qualité des déchets apportés à l’incinérateur risque de ne plus être celle négociée par le SDEDA avec Véolia….
La promesse faite contractuellement repose donc sur une compétence que le SDEDA n’a pas.
De fait, cette situation compromet l’autonomie des collectivités en terme de gestion, de prévention et de réduction des déchets. En négociant avec Véolia sur une compétence qu’il n’a pas, le SDEDA (En vérité Véolia qui tenait la plume) impose aux collectivités les politiques à mener en la matière : « livrez-moi des déchets conformes à ce qu’il faut pour mon incinérateur, nous dit Véolia, sinon, vous serez pénalisés  ».
Dire que Véolia, par cet incinérateur, décide de notre politique en terme des déchets serait sans doute excessif. Mais nous n’en sommes pourtant pas très loin.

  Le rapport de la CRC

ger202141.pdf

[1Syndicat d’Elimination des Déchets de l’Aube

[2Source : Avis de la CRC, p.36

[3Source : Avis de la CRC, p.37

[4Source : Avis de la CRC, p.38

[5Ces coûts sont facturés au SDEDA et payés, in fine, par chaque contribuable au travers de sa taxe sur les ordures ménagères.

[6Source : Avis de la CRC, p.38

[7déchets végétaux et restes des repas

[8L’incinérateur a connu en 2021, 10 jours de dépassements de ces seuils sur les 10 autorisés

[9Source : Avis de la CRC p.38

[10la quantité est également contractuellement définie