Constat

Laetitia a évoqué, lors de la présentation de cette soirée, l’idée d’une « fatigue démocratique  » En effet, de nombreux symptômes montrent que notre démocratie souffre :

  • L’abstentionnisme aux élections  :
    Un nombre important de Français pensent apparemment comme Coluche que « Si voter changeait quelque chose, il y a longtemps que ça serait interdit !  »
    On voit qu’un électeur sur quatre ne s’est pas déplacé au 2ème tour de la Présidentielle (du jamais vu !), un électeur sur deux aux dernières législatives, aux départementales ou aux régionales.
  •  L’hémorragie des partis 
  •  La faiblesse des syndicats : environ 8% seulement des salariés sont syndiqués
  •  La colère sociale  (qui nous permet d’être là ce soir) : si l’on regarde d’un peu plus près ce qui s’est passé depuis novembre dernier sur les ronds-points ou dans les manifs des Gilets Jaunes, le moins qu’on puisse dire c’est qu’une bonne partie des Français ne se sentent plus représentés, écoutés, ou simplement pris en compte. Et il n’y a pas que les porteurs de gilet jaune qui ne sont pas satisfaits de notre démocratie actuelle.
     
    Tout un chacun a un point de vue sur les raisons de cette fatigue démocratique :
  • C’est la faute des politiciens : c’est sûr que l’obsession d’être élu ou réélu bloque les initiatives novatrices et empêche la plupart de nos politiciens de se projeter au-delà de la durée de leurs mandats
  • C’est la faute à la démocratie  : sans elle, les technocrates et les experts nous permettraient d’avancer beaucoup plus vite, n’est-ce pas ?
  • C’est la faute à la démocratie représentative élective issue de la Révolution qu’on n’a pourtant pas cessé d’améliorer depuis pour essayer de mieux prendre en compte les différentes catégories de citoyens (les gens peu aisés, les ouvriers, les femmes…), ce qui n’a malgré tout pas réglé le problème.
     
    A l’origine notre système de représentation a été mis en place par des gens instruits qui détenaient souvent les leviers économiques (des propriétaires fonciers, des artisans aisés, des avocats etc. : les bourgeois) et qui se différenciaient d’une masse de gens analphabètes et besogneux. Le pouvoir est alors passé entre les mains d’une élite, républicaine, certes. Il n’était donc pas véritablement démocratique.
    C’est toujours le cas aujourd’hui, alors que 99% de la population française est ou a été scolarisée.
     
    Pourtant, la démocratie, depuis la Grèce antique jusqu’à nos jours, a connu d’autres formes de représentation des citoyens, en particulier celle sur laquelle nous vous invitons à débattre ce soir : la mise en place d’assemblées dont les membres ne sont pas élus mais tirés au sort, puis informés et formés sur les sujets qu’ils aborderont.
     On peut prendre comme exemple l’assemblée mixte (citoyens tirés au sort et parlementaires) qui, dès 2012, en Irlande, a permis l’introduction, sans heurt, dans la Constitution, du mariage pour tous (dans un pays très catholique) et qui depuis a émis des recommandations au gouvernement sur des sujets comme l’avortement ou le réchauffement climatique.
     
    On peut encore citer la décision prise le 25 février dernier par la communauté germanophone du Limbourg, en Belgique ( environ 76000 personnes), de mettre en place une assemblée de citoyens tirés au sort pour compléter le parlement local et lui présenter des recommandations dont il devra tenir compte.
     
    Quant à nous, Français, nous utilisons depuis longtemps ce système pour rendre la justice dans les affaires criminelles : la désignation des jurés aux Assises.
     
    Alors, si nous faisons confiance au tirage au sort de citoyens pour juger les crimes, pourquoi ne pourrions-nous pas étendre ce système pour revivifier notre démocratie ?
    Car, comme le dit un proverbe d’Afrique centrale : « Tout ce que tu fais pour moi sans moi, tu le fais contre moi  ».
     
    C’est pourquoi nous vous proposons de débattre sur la possibilité de mettre en place une assemblée de citoyens tirés au sort chargée d’émettre des recommandations aux élus communautaires de TCM.

Le Débat.

  • Le tirage au sort me parait une solution peu envisageable  : cela n’a jamais convenu tout au long de ma vie de travail, ce que je fais est un choix réfléchi, non imposé par un tirage au sort.
    Certaines questions, certains projets, nécessitent des connaissances particulières : faudrait-il s’il y a tirage au sort, que des réunions préparatoires permettent à chacun-e de s’approprier le sujet ?
  • Peu d’ouvrier présent à l’assemblée nationale. Il y a déconnexion des politiques qui ne sont pas dans la réalité du terrain. Les décideurs font partie de l’élite. Le tirage au sort permettrait de se reconnecter à la réalité.
  • Il n’est pas possible d’être reçu par nos élus. Il faut prendre un rendez-vous et quelquefois l’élu ne nous reçoit pas personnellement. L’accès aux personnes politiques est très difficile : leur porte est close.
  • L’avantage des assemblées de citoyens-es tirés au sort est qu’ils-elles n’ont pas d’enjeu électoral, pas de pérennité du poste.
  • Lorsque l’on devient juré d’assise c’est pour une session. Dans le cas des assemblées de citoyens, combien de temps le resterait-il ? S’occuperait-il d’une affaire ou plusieurs ? C’est un travail à plein temps.
  • En fait ce tirage au sort est piégeux et vertueux.
    Vertueux pour deux raisons ;
  • susceptible d’être conviée du jour au lendemain la population s’impliquera davantage dans la vie citoyenne.
  • dans ces conditions il serait mal venu de ne pas intéresser à la vie citoyenne.
  • Dans leur rapport avec le citoyen les élus veulent se donner bonne figure .
  • Mon expérience de jurée d’assises m’a beaucoup apportée : responsabilité, engagement, épanouissement et passion. Votre idée est très séduisante mais ne doit pas durer trop longtemps.
  • Votre proposition avec les élus de l’agglomération n’est pas suffisante.
  • Tout ceci est un aménagement du système qui n’est pas remis en cause. Il ne faut pas pérenniser un système qui ne fonctionne plus. Le système électoral confisque la démocratie.
  • Les assemblées pourraient être constituées d’élus et de citoyens tirés au sort.
  • Il faut souvent 4/5 ans à un maire pour comprendre le fonctionnement d’une mairie.
  • c’est le système entier qu’il faut changer.
  • mise en place d’une assemblée qui donnera la contradiction au système actuel.
  • Ne devrait-on pas professionnaliser la fonction d’élus ? Certains restent 25 ans en poste.
  • Je suis contre cette idée de professionnalisation des élus car ils ont la délégation de pouvoir. Il faudrait éviter le cumul des fonctions. La démocratie c’est l’égalité, à maintenir.
  • Je ne veux pas d’experts qui pensent avoir toujours raison. Le politique doit se demander : qu’est-ce que je peux faire pour le mieux vivre des citoyens.
  • Je pense qu’une solution serait un peu des deux : associer professionnalisme et tirage au sort.
  • Personne n’a la science infuse. Professionnaliser ne veut pas dire tout savoir. Il faut cesser de se voiler la face.